Puisqu’il semblerait qu’on ne puisse pas diffuser plus d’un titre par tête de pipe lors de nos merveilleux enregistrements des vendredis de pleine lune, qu’on soit trop long, que les GENS n’ont pas le temps d’écouter des podcasts de 5h (LES GENS… Tout le monde n’est heureusement pas LES GENS), on va désormais régulièrement vous balancer des sélections sur des thèmes variés choisis de manière parfaitement subjective. Comme par exemple « Le grunge et le rock sale des 90’s, ce n’était pas que la cervelle au plafond de Kurt Cobain », « Le festival des Ardentes, ce n’est pas que des subsides et Booba » ou encore « Liège ce n’est pas que le PS et les zombies ». Ce sera long, on est toujours long, mais on l’espère bon.
Et pour commencer cette belle série, voici donc 16 titres pour rappeler que le Jazz, ce n’est pas que des vieux 78 tours qui sentent le moisi dans le grenier de papy ou une bande son pour musique d’ambiance d’ascenseur.
Parce qu’en 2022, dire « je n’aime pas le jazz », ça n’a plus aucun sens. C’est comme dire « je n’aime pas les currywursts ». Tu les as toutes goûtées ? Pour le jazz, c’est pareil.
Il y a évidemment le Jazz avec un J majuscule et on pense directement à Miles Davis ou John Coltrane. (Whitney dirait Michel Jonasz et sa boîte mais elle va se faire jeter des cailloux !) Mais derrière ces pointures, le jazz se décline également à l’infini en se mélangeant à tous les genres possibles et existants. Rock, rap, noise, grind, drone, pop, fusion, tribal, électro, funk, etc.
Si la musique de Steve Coleman ne t’inspire pas grand-chose si ce n’est beaucoup de respect, ou, qu’à part l’album Bitches Brew, tu ne comprends pas grand-chose à la musique du grand Miles Davis, ne perds pas espoir, les portes d’entrée restent plus que nombreuses.
On vous avait déjà parlé dans le DeadBeat Club de Ibrahim Maalouf, The Cinematic Orchestra, Medeski Martin & Wood et de Jaga Jazzist (en passant, vous avez raté un concert de malade au Depot), mais comme vous allez le constater, on en n’a pas encore fini avec le jazz.
C’est parti, accroche-toi à ton strapontin, on décolle
Quand les Londoniens de The Comet is Coming s’associent avec Kae Tempest le temps d’un morceau pour créer un ovni parfaitement hypnotique et que Kae s’évertue à nous rappeler la futilité de l’ultra-connectivité qui régit notre quotidien. Un titre à écouter en boucle. En boucle. En boucle. En boucle. En boucle. En boucle. En boucle.
« Truth is, it’s for us to feel and be moved ».
Vous en voulez plus ? Tentez votre chance avec les Anglais de GoGo Penguin dont on vous a déjà parlé dans le DeadBeatClub.
Dark Jazz en Germanie
Le Dark Jazz allemand de Bohren und der Club of Gore n’a rien à envier à Angelo Badalementi et à la bande son de Twin Peaks à la fois terrifiante et magnifique qui entoure le meurtre de Laura Palmer. En écoutant l’album Sunset Mission, on peut visualiser Leland danser seul dans la salle de réception de son hôtel pendant que Bob adresse un sourire glaçant à l’auditeur dans le reflet du grand miroir. Glaçant de beauté et sombrement mystérieux. Et ils sont qui plus est parfaitement attachants en live dans leurs interactions avec le public. A écouter et à voir.
Et si le style vous a plu, allez également jeter une oreille aux Hollandais de The Kilimanjaro Darkjazz Ensemble voire même aux Français de Dale Cooper Quartet & the Dictaphones.
Stetson ≠ Chapeau de cowboy
Made in America, Colin Stetson est né en 1975, il est fan de Metallica, et il est surtout capable d’enflammer à lui seul un disque, mais aussi une salle de concert, armé de ses seuls saxophones. Pour l’avoir vu à deux reprises, il est vraiment ultra-impressionnant et mérite mille fois qu’on s’arrête sur ses performances musicales.
À noter qu’il a sorti également entre autres un album avec Sarah Neufeld d’Arcade Fire (avec qui il a d’ailleurs été marié) qu’ils étaient venu défendre au Reflektor. Et son projet Ex Eye, pas du tout jazz mais plutôt metal, composé d’une batterie, d’une guitare et du saxophone de Colin vaut lui aussi la peine de s’y intéresser.
Belgo-psyché
Un petit coup de cocorico avec l’énormissime album des Bruxellois de Neptunian Maximalism dont on a déjà parlé dans le DeadBeat Club, mais bis repetita tout ça. Un savant mélange de jazz, de drone, de musique tribale et de rock psyché qui constituait un des meilleurs albums de 2020. Même si on ne pige pas un traitre mot de ce qu’ils peuvent entendre par leurs titres tels que Daiitoku-myōō no ōdaiko 大威徳明王 鼓童 – l’Impact de Théia durant l’Éon Hadéen, Lamasthu – Ensemenceuse du reigne fongique primordial & infanticides des singes du Néogène ou Iadanamada! – Homo-sensibilis se prosternant sous la lumière cryptique de proboscidea-sapien.
Heureusement, la musique fait le boulot à elle seule.
Many can’t be too much
Les (40 ?) Suédois de Fire ! Orchestra ont décidé de former un experimental big band pour balancer leur jazz expérimental relativement barré et haut perché. Des titres longs, mais incroyablement bons.
Fou3
Parue sur le seul et unique album d’Anguish à ce jour, cette collaboration entre MC Dälek, Fire ! et Faust sur ce titre Gut Feeling démontre à elle seule que si, en dosant avec subtilité, on peut mélanger hip-hop industriel et jazz. Dälek, on en a déjà longuement parlé dans le DeadBeat Club, Fire ! et Faust restent encore à venir. Winter is coming.
Et si vous en voulez encore, l’Américaine Moor Mother a de quoi vous rassasier, tout comme son compatriote Billy Woods, tous les deux hautement recommandables.
Jazz is life, but modified
Le jazz, ça se mélange avec tout. Y compris avec l’électro. Si nécessaire, en voici une démonstration par le Brésilien Amon Tobin avec son album Supermodified sorti en 99 chez Ninja Tune.
Note de Kante : Ne vous arrêtez pas à cet album de génie dont une bonne partie, si pas l’intégralité des sons utilisés ont été samplés dans le monde réel et … supermodifiés. Moteurs, industrie, tout y passe. Un travail de malade. !
Aussi, ses trois premiers albums sont des moments de grâce offerts par le tout puissant pour nous rappeler que la musique vient de nulle part et va partout. Elle vient de rien, et elle n’est l’affaire de personne. C’est un tout, fait de tout, pour tout. (On cause jazz, hein, faut pas vous étonner si à un moment, ca devient de la branlette).
Et puis si tu n’as que ça à faire de ta vie, rappelle-toi, on avait déjà parlé de Amon Tobin dans notre épisode sur les Lives.
Et si c’est votre came, Flying Lotus est une très bonne option pour poursuivre.
PASBIENPASBIENPASBIEN (mais c’est très bien)
Découverts en live, les caméléons Canadiens de BADBADNOTGOOD, tous nés au début des années 90, ont démontré qu’ils étaient parfaitement capables de faire l’unanimité aussi bien dans un festival de jazz où on sirote son vin blanc en tapant discrètement du pied (North Sea Jazz Festival) que devant une bande d’ados en folie à Dour, tout ça en l’espace de quelques semaines à peine, tant ils sont capables de faire muer leur musique au gré du parterre, ce qui est tout sauf une mince affaire.
Le Jazz-loupe-de-noyer
Quand il s’agit d’envoyer le bois, mais attention, du bois noble car teinté de jazz, les Italiens de Zu ne sont jamais en reste avec leur savant mélange de noise, de math rock, de brutal prog et bien évidemment de jazz pour un résultat qui décoiffe.
When Hip-Hop roots to Jazz
Impossible de publier ce bout de torchon sur le jazz sans évoquer les phénoménaux East Coast rappeurs de The Roots, qui, même s’ils n’ont jamais versé dans le hip-hop indus, méritent largement leur place ici avec leur jazz rap enflammé. Et également encore un groupe qu’on vous recommande à voir absolument tant ils sont capables de foutre le feu dans une salle (et ce, même dans un festival de jazz).
Et si vous en voulez encore, A Tribe Called Quest a tout ce qu’il faut pour vous. Ainsi que l’album FlySiifu’s, collaboration entre Pink Siifu & Fly Anakin, sorti en 2020.
Rien à voir avec Matmatah
Bien perchée aussi, Matana Roberts, originaire de Chicago, a sorti plusieurs albums de jazz sombre et expérimental, dans lesquels des moments parfaitement poétiques et légers peuvent venir s’entrechoquer avec des accès de colère dont on se demande s’ils sont vraiment contrôlés tant elle semble perdre la boule emportée par la passion derrière son micro. Elle est fabuleuse.
Mettre le doigt sur une carte et sur quelque chose de dingue
Les Ukrainiens de White Ward originaires d’Odessa (maintenant que tout le monde connait malheureusement par cœur la carte de l’Ukraine) sont la preuve vivante qu’en 2022, on peut même mélanger jazz et black metal avec énormément de réussite. Avec des couches de jazz qui viennent tantôt se superposer aux passages brutaux, tantôt permettre de reprendre son souffle, mais toujours avec brio.
Mélanges de styles (suite)
Quand il s’agit de mélanger du jazz avec d’autres styles improbables, les Norvégiens de Shining (à ne pas confondre avec les Suédois de l’autre Shining, ils sont cons les vikings aussi) tiennent le haut du pavé avec un mélange de metal progressif industriel brutal, teinté de musique électronique… et de jazz. L’album Blackjazz est tout simplement passionnant de bout en bout et le groupe a également sorti sa version live.
(Note de Kante : Merci George de me faire remarquer que j’avais complètement mélangé les deux groupes. Je ne comprenais pas toujours le sens de l’évolution de leur musique, mais bon… au final, le but n’est-il pas de découvrir ? Même quand on s’est un peu perdu en route ? Le pire ? C’est que j’ai vu Shining en première partie de Jaga en 2005 au Luchtbal à Anvers.)
Une ville, mais nue, qui s’offre a toi sans se cacher
Naked City, un des mille projets de l’immense John Zorn qui allie jazz et grind, rien que ça, pour un résultat tout aussi expérimentalement cinglé que jouissif. Ce titre vous semblera peut-être familier puisqu’on peut l’entendre au début du film Funny Games de Michael Haneke. Quand une sympathique petite famille part paisiblement se faire trucider dans sa maison de vacances. De circonstance donc.
Zorn d’abondance
Et puisque c’était un peu court, en bonus, une performance de John Zorn à Varsovie en 2013 pour la tournée de ses 60 ans dans laquelle on retrouve également Mike Patton, Trevor Dunn, Marc Ribot, Joey Baron, John Medeski et bien d’autres invités repris en commentaire sous la vidéo. Il y a des chances que vous reconnaissiez même des génériques maltraités de votre enfance.
Malaise se termine comme jazz
La collaboration live parfaitement improbable du cultissime Anthony Braxton et des dérangés du bulbe de Wolf Eyes a accouché d’un live de deux titres qui porte très justement le nom de Black Vomit, mélange de noise et de jazz aussi malsain que bruyant dont il a été jusqu’à présent impossible de se lasser tant il part dans tous les sens. Ci-après le second titre du live, Rationed Rot, mais nul doute que vous aurez immédiatement envie de vous plonger dans The Mangler, jolie pièce de 26 :45.
Le Grand Jazz avec un grand J et le Grand Miles
Et enfin, le jazz avec un grand J comme évoqué précédemment, l’énorme Bitches Brew (1970) dans son intégralité du gigantesque Miles Davis. Si, si, c’était nécessaire (ok, avec lui, ça fait 17, mais c’est un album et pas un titre).
La presque conclusion
Alors quand on vous a dit 16 titres, vous vous doutiez bien qu’il y avait un piège. Qu’on vous avait tendu un vil guet-apens destiné à vous faire cliquer, puis de vous assommer d’un nombre invraisemblable de morceaux, mais avouons-le, avoue-le, tu aimes ça. Tu aimes ça, qu’on t’en donne plus que ce que tu t’étais imaginé. Parce que plus, c’est non-seulement plus, mais c’est aussi mieux. Pourquoi ? Parce que si l’une ou l’autre des références que nous t’avons savamment distillé ne te convient pas, ce dont nous doutons fortement, il te reste la possibilité de l’interchanger avantageusement avec une autre.
Alors c’est parti pour 16 autres titres, mais cette fois, George passe la main à Kante qui est venu avec sa brouette de choses fantastiques pour tes oreilles.
La Suisse n’est pas si neutre que ça
Erik Truffaz est le genre de personnage à ne pas laisser le Jazz décéder tout seul sur les étagères d’une armoire poussiéreuse non-plus. Quand on parle de Jazz Fusion, c’est l’un des premiers noms qui me vienne à l’esprit. C’est lui qui m’a fait découvrir cette très bonne idée qu’est le fait de faire claquer du rap sur de la basse-trompette-drums jazzy, et ça m’a mis sur les fesses. Après, il ne faut pas s’arrêter à ça, tout au long de son immense carrière et au fil des collaborations, il a su explorer bien des recoins du Jazz accompagné de sa trompette.
Je croyais que c’était fade, l’Emmental ! Mais non, l’Emmental suisse, il a du goût, lui !
(Vous aurez remarqué que je vous ai mis la playlist avec tout l’album, bande de petits veinards !)
Il se passe des trucs sur son piano
Après un premier album très très calme, Bugge Wesseltoft essaye de nous faire découvrir sa conception du Jazz. Sans que ça paraisse obséquieux, ni suffisant, il développe sa vision de la musique. Après ça, que cela plaise ou non, il n’aura de cesse de chercher, parfois avec succès les nouvelles voies qui s’offrent au jazz. C’est une approche personnelle et subjective, mais finalement, n’est-ce pas là le point commun entre toutes les démarches de tous les musiciens que nous présentons aujourd’hui ? Si . (Oui, je fais les questions ET les réponses)
Suspension
On se pose deux-minutes. On est à peine à la moitié de cet article, alors on va faire une petite pause. On s’arrête deux minutes, on souffle un coup, et on se met un peu de calme dans les oreilles. Loin de toute cette agitation, loin de toute cette pression, on s’écoute un petit Floating Points. Avec Pharao Sanders, qui plus est !
Va-z-y, Pengouin ! Va-z-y, au musée de verre !
Autant GoGo Penguin n’a à recevoir de conseils, ni de leçons, de personne, il faut, je pense, faire suivre leur tour-bus par celui des petits belges de Glass Museum. Si les premiers ont tracé une route déjà bien marquée par les foufous de BADBADNOTGOOD, Glass Museum a fièrement apporté une touche bien personnelle à ce style jazz enlevé, joyeux et lumineux. Les envolées rapides et vives, tels autant de torrents qui traversent les montagnes et usent les pierres les plus dures, vous emportent dans une danse énergisante… wow, ca va, j’arrête. Putain, j’ai pris quoi, moi ?
Un tisonnier, une passoire et une chaussure verte
Le Jazz aime l’art. L’art aime le Jazz. Et quand le Jazz se pare de diversions, de fausses feintes, d’accrobaties, de soleils bleus, de chaussures de clown, de chevaux en robes et faux-cils, de babeluttes, de fraises tagada, il est plus qu’évident que nous avons affaire à une formation qui s’inscrit dans la lignée directe du Grand-Maître du Dadaïsme et du surréalisme. Tout un programme ! Marcel Duchamps et son Orchestre Tout Puissant offre une musique qui se détache de toute forme de contrainte formelle et s’affranchit des structures habituelles. Bon, oui, c’est à peu près la définition du Jazz Moderne, ou tout du moins, c’est comme ça que se définissent tous les groupes de Jazz. Et de musique en génral.
Soleil bleu
Tant qu’on est dans le monde merveilleux de la liberté de mouvement et d’une certaine forme de spontanéité, profitons-en pour aller saluer Emma-Jean Thackray. On a d’un côté ce vent de liberté et l’affranchissement de certains codes, et d’un autre, on a de bons appuis sur le funk pour proposer quelque chose finalement d’assez familier, mais complètement nouveau.
La France, at its finest (parce qu’il est américain)
Dans la famille des allumés du bulbe, après les deux juste ici au-dessus, j’aimerais qu’on s’attarde sur le cas de Makaya McCraven. À l’écoute de ses albums, on a vite tendance à se demander si il prend bien son traitement contre l’hyperactivité. C’est rapide, c’est racé. C’est racé comme un Lévrier Afghan. Tu vois, là, ceux qui ont des longs poils blondasse et qui sont tout maigres. Ca a l’air un peu con-con, mais c’est classe samer. Ben Makaya, il fait cet effet là. Ca sent un peu le Hollywood surané, le Las Vegas un peu passé, celui avec les Mesdames en robes de soirées et boas qui descendent de grandes décapotables blanches aux ailes saillantes et aux jantes chromées, mais ça claque.
Si Ennio Morricone était italien
Italy at its finest. Au moins, ces gens ne parlent pas avec les mains, ou tout du moins, vu qu’ils parlent avec leurs mains sur des instruments, ça ne se voit pas trop.
La musique parfaite pour sillonner la toscane, pour bourlinguer sur la corniche de la riviera italienne, pour organiser un cambriolage chez les couturiers les plus en vue, avec beaucoup beaucoup de classe, et surtout, en rythme.
La musique de La Batteria musique fait référence aux grandes bandes originales de films et à ses Grands-Maîtres comme Ennio Morricone et les autres (leur origine italienne m’interdit de citer les autres références, vu que je ne connais pas ces gens, mais il parrait que c’est fort bien dans le style)
Comme tout à l’heure, je t’ai mis la playlist de l’album (le premier). Tu verras, à un moment, il y a même de la musique pour résoudre une enquête policière très compliquée.
La Belgique est un plaisir, et doit le rester !
Disclaimer : on rentre dans une discussion qui me tient à cœur cher lecteur. Ouvre bien les oreilles de tes yeux, on en reparlera de ceux-ci…
Là, on arrive dans un pays fascinant. Au delà du pays du Jazz, c’est aussi notre bonne vieille Belgique. Oui, cher lecteur. Tu ne rêves pas, des groupes de Jazz, non-seulement, il y en a de partout, mais, partout, c’est aussi la Belgique. Alors au risque de décevoir LiveNation, il n’y a pas que Angèle ou Straumaille dans ce plat pays qui est le mien même si on vient plus du plat pays qui n’est pas plat, à savoir des bois et des vallées du sud du pays. Et en parlant de sud, force est de constater que le Jazz est beaucoup plus ancré dans la culture flamoutche que wallonistanaise.
Muziek voor chevals
Paard., comme on dit dans la langue de Vondel (non, pas Vandel qui présentait le Journal du Hard, coquin boomer, va !). Et comme on peut s’y attendre avec ce genre de nom de groupe, aucun rapport avec les chevaux. Au mieux, de temps en temps, ils mettent des masques de chevaux et ça donne envie de hennir tellement c’est bien. On est aux confins du jazz, un peu comme le pays des trois-frontières, entre la Belgique, le Luxembourg et l’Allemagne. Ici, on est à la frontière entre le rock progressif, le hip-hop et une certaine forme de Jazz. Oui, je sais, j’ai dit « une certaine forme de Jazz ». Tire ton plan avec ça.
Dans Dans
C’est tellement bien que je n’ai même pas envie de faire de jeu de mots pourris dans le titre. C’est eux. C’est Dans Dans. Un jazz progressif, à la limite du Jazz-Rock par moments, Pour reprendre les mots de son leader, Bert Dockx, « geen jazz, maar ook geen rock. En jazz rock is het zeker niet ! ». Ah oui, hein, ça, on a dit de la musique uit de vlakke land, donc va falloir faire un peu des efforts, hein !
Au Nord de la frontière linguistique, toujours
Allez, tiens bon, on reste encore un peu en flamoutcherie ! Franchement, ils ont beau avoir des poteaux de signalisation flamingants, ce qu’il faut savoir, c’est que TOUS les poteaux de signalisation ne votent pas à droite. Et c’est bien ainsi, t’imagines ou quoi ? Que des poteaux extrémistes ! ZIEG ROOD ! ZIEG GROEN ! ZIEG NIET PASSEREN ! Une horreur. Heureusement, il y a Nordmann pour détendre un peu l’atmosphère et lancer un fond musical. C’est bien, la musique. Ça adoucit les mœurs. Si je dis Nu-Jazz, tu vas dire que ça ressemble à Cinematic Orchestra ou à St Germain, alors que t’es complètement à côté de la plaque, parce que c’est pas ça. On est plus du côté du Jazz-Rock. Mais en même temps, quand on vous dit qu’on va faire un truc, dans ce pays, vous savez bien dès le départ que ça va pas être pareil que si ça avait été fait autre part.
Détour par Anvers pour trouver Rudy
Avant de redescendre vers Bruxelles par la E42, on bifurque sur la E313, et on fait un détour par Anvers. Et à Anvers, il y a qui ? Il y a Rudy Trouvé et sa bande de joyeux et doux malades. C’est qui Rudy Trouvé ? Rudy Trouvé, c’est Dead Man Ray, dEUS, Gore Slut, iH8 Camera, Kiss My Jazz, Lionell Horrowitz and His Combo, The Love Substitutes, PoX, Prima Donkey, Tape Cuts Tape. Rien que ça. Ça commence à faire un peu long, et au final, il a bien fallu choisir. Alors si tout ne rentre pas dans les cases du Jazz, il est quand-même important, je pense de causer deux minutes de Kiss My Jazz.
Déjà, le nom est fort fort bien dans un monde ou on a vite envie d’envoyer les gens se faire cuire le cul, mais au delà de ça, ce que j’aime dans cette formation (tout comme dans la presque totalité des groupes de Rudy), c’est la simplicité, le plaisir de partager, l’expression et le fun. Oui, le fun. Alors si c’est pas le qualificatif qui vient à l’esprit en premier lieu quand on pense au Jazz, c’est en tous cas celui qui vient quand on assiste à un concert avec Rudy et ses potes. Alors installe-toi dans ton 18 tonnes, on est partis (et on fait une pause dans une station service un peu glauque en Flandres). – Attention, cette feinte un peu molle est juste là pour que tu cherches après l’album « In a Service Station » qui est un joyau, mais qui avait sans doute un peu moins sa place dans cet article.
En fait, je mentais un peu, parce que des formations Jazz, en Fédération Wallonie-Bruxelles, il y en a plein. Et niveau qualité, on n’a pas à se plaindre, loin de là. (bon, il faut l’avouer, on parle de la FWB, mais c’est uniquement parce qu’on veut des subsides à la pelle. On veut nager dans les subsides.)
Tòòp
Je vais te confier un truc. Pas un secret. Mais un truc que tu vas garder tout près de ton petit cœur parce que j’y tiens très très fort. J’ai presque envie de te dire que je te le prête, mais ca ferait égoïste. Alors je te le passe, fais ce que tu veux avec, mais prends-en soin.
Bààn, c’est ce groupe que m’a fait découvrir mon rédac’ chef chez JazzMania. Eh oui, y’en a qui pensent que je traine avec des vieux qui écoutent du Jazz, mais ce qu’ils ne savent pas c’est qu’ils ne sont pas vieux. Enfin, pas tous. Et puis c’est ça qui est bien aussi avec le Jazz. C’est un croisement de genres. Aussi bien musicalement que pour le public. Y’a de tout.
Et dans le tout, ici, il y a Bààn. Un espèce de truc super progressif, introspectif, poétique, nouveau, frais, vif, transgressif, planant, voire trippant. Un tueur à la batterie (non, sérieux, grosse grosse dinguerie) et un psychopathe aux claviers. Deux mecs sur scène, on a l’impression qu’ils sont 5 tellement ils remplissent l’espace de leur musique. Dans les styles proposés par Rate Your Music, c’est de la « Psybient ». Ok. Ça veut pas dire grand chose, je dirais qu’on est dans un Jazz effectivement ambiant et prenant. Un truc conceptuel propre à eux, un peu indéfinissable, chaud et confortable, accueillant mais challengeant. Oui, je sais, c’est naze comme description, mais fais un peu des efforts d’imagination, aussi, toi !
« Connect » est le premier morceau éponyme de l’album du groupe. Sans doute mon préféré. Progressif, magnifiquement construit, pas chiant un seul instant, je vous conseille de vous y précipiter.
Le Grand Chansonnier belge
Oulààààààà, ça pue le camp Jeunesse et Santé, c’t’affaire ! Ben tu ne crois pas si bien dire… The Great Belgian Songbook (en anglais, ça a un peu plus de gueule, et on se dit qu’on ne devra pas se taper Anitouni ni Le Marchand Petrouchka), c’est un groupe de reprises des plus grands morceaux de l’histoire de la musique en Belgique. Donc oui, on va se taper du Brel, du Adamo, mais aussi, par exemple, du Telex avec Moskow Diskow. Je n’en rajoute pas, va fouiller si tu es curieux.
Comment dire « Ennio Morricone » avec l’accent de St Vith ?
On a déjà effleuré le sujet avec La Batteria. Mais la musique de film n’est pas l’apanage de l’Italie. Vous allez me dire que les Teutons rédimés de Belgique ne sont pas non-plus les plus célèbres représentants en la matière. Qu’à cela ne tienne, Condor Gruppe est de ceux qui s’affranchissent des frontières, tels des défenseurs du traité de Maastricht et de la libre circulation sur le territoire de la communauté européenne. C’est ça l’Europe, mon bon monsieur. (Sauf que dans l’absolu, je pense qu’ils s’en cognent de l’Europe, mais merde, je dois écrire un article, moi ! Un peu de poésie bureaucratique ne peut pas te faire de mal, bordel !)
Alors oui, une minute, on va écouter un morceau, mais sache que Condor Gruppe, ce n’est pas uniquement des pastiches de musiques de Western Spaghetti à sauce Rock en Kraut, ils ont aussi sorti un album homage à Moondog. Et rien que pour ça, ça force le respect.
Une cuillerée d’énergie
Allez, on accélère un peu le mouvement. On saupoudre la scène d’une bonne dose d’énergie, et on secoue gentiment la tête. Bah, le reste de ton corps, tant que tu y es… Commander Spoon. Découvert au Microfestival cette année, ils ne manqueront pas de remuer tes méninges et de provoquer chez toi un phénomène assez surprenant qu’on appelle la DANSE. Je déconne à peine. Même moi, qui ne danse que sous la contrainte d’une arme chargée, je me suis surpris à remuer. Oui oui, même avec le harnais, les deux appareils photos et les 7-8Kg de matos autour du cou. Je vais pas me faire chier à t’expliquer ce qu’ils font parce que je préfère franchement que tu ailles foutre tes oreilles dans le fond de son sax.
Les choses s’emballent
Les choses s’accélèrent encore. Et encore… On a l’impression de quitter le monde du Jazz, mais non. On est toujours dans cet univers si varié et si riche. Ici, on approche tout doucement des saveurs plus répétitives si chères à la musique de type techno, house, ou encore de boite de nuit de la Chaussée de Tongres. Oui, pas loin des fenêtres à néons et des parkings un peu glauques. The Brums, c’est 4 noms incroyables qui ont décidé de s’associer dans un projet qui allie instruments traditionnels dans un Maelström d’influences diverses et variées. Rien qu’au niveau de la composition du groupe, ça envoie du lourd. Du très lourd même : Alain Deval (drums : Bothlane, Quark, Ginger Bamboo, … ), Adrien Lambinet (trombone : Klezmic Zirkus, Quark, Orchestra Vivo !, … ), Antoine Dawans (trompette : Orchestra Vivo !, Mathilde Renault, Ekko Trio, Sébastien Hogge Quartet, Soul Caravane, … ) , Clément Dechambre (saxophone : Bobby de Nazareth, L’oeil kollectif, … ); Que du lourd, te dis-je. Et ça donne quoi ? Ça donne ça :
Pink Siifu
On rebascule à l’internationale et, histoire de (re)faire le lien avec les refs de George, il est temps qu’on parle de Pink Siifu & the Negro6
Si l’album studio est plus indus/noise que Jazz, il n’en reste pas moins que ses performances scéniques en compagnie des NEGRO6 demeurent des actes très contrastés mêlant noise, indus, spoken words, rap agressif, le tout baignant dans des rythmiques drums plus jazz que le jazz lui-même. Contrasté te dis-je. J’en prends pour preuve sa performance au Micro, aussi intense que trop courte. Un moment de grâce (pour autant que la grâce puisse se trouver dans la puissance et la force)
Allez, on se cale un petit We Need Mo Color » pour se prouver qu’on est toujours vivants.
Et puis c’est pas parce que George n’a fait qu’évoquer le sujet qu’on ne va pas se faire le plaisir de te balancer du Maalouf, du Jaga Jazzist, du Cinematic, et du Medeski, Martin & Wood.
C’est parti !
Les couleurs du monde
Je pourrais vous te longuement de Ibrahim. Très longuement. Avec Whitney, on a même écrit un article qui n’est jamais sorti. Mais ça, c’est une autre histoire (filez mettre la pression à Whitney pour qu’elle le publie). Ibrahim Maalouf, pour paraphraser cet autre magnifique article, c’est le voyage. Né d’influences et de parfums aux saveurs africaines, sud-américaines, riche d’expériences sur les 5 continents, la musique de Ibrahim est avant tout un échange, un moment passé avec une culture. Sa culture. Ou plutot, ses cultures. Exercice périlleux, donc, d’aller pêcher un seul morceau dans une discographie protéiforme et polymorphe. Entre les couleurs orientales, les rythmes latins, les couleurs se mélangent dans un tableau dont les pigments ont été rapportés de mille voyages autour du globe.
Un Orchestre mouvant
Si je t’ai dit que c’est avec Erik Truffaz que j’ai découvert qu’un MC pouvait poser sa voix sur du Jazz, je t’ai un peu menti, cher lecteur. Parce qu’en fait, c’est avec Cinematic Orchestra avec les voix imposante de Roots Manuva et celle tout aussi imposante, mais beaucoup plus jazz-soul, de Fontella Bass. Ne mettre qu’un seul morceau de Cinematic est une véritable déchirure pour mon petit cœur. Donc pour le salut de mon âme, tu dois me promettre que tu vas aller chercher un peu par toi-même. (On en avait parlé ici, et si tu aimes le cinéma, on en avait parlé ici aussi, mais faut chercher un peu dans la page)
The Four Horsemen That Were Three
George t’en a parlé en stoemelings, sans avoir l’air d’y toucher, mais sa tête de « Monsieur, votre bite a un goût » en dit long. C’est donc parti pour partir à la rencontre de Medeski, Martin & Wood (que nous avions rencontré lors d’un épisode précédent, rappelle-toi !) (Je sais, j’ai déjà mis ce lien)
Medeski, c’est avant tout un crève-coeur. Impossible pour moi de te balancer un seul et unique morceau. Dans leur discographie impressionnante, autant d’un point de vue quantitatif que qualitatif, sortir un morceau caractéristique de leur style est tout bonnement impossible. Je ne vais même pas essayer de te convaincre avec des mots savants et des phrases longues comme la BITE à Alain (et cette phrase fait déjà 5 lignes, vous imaginez donc le rapport d’échelle quand je vous dis que je ne vais PAS faire de trop longues phrases). Un seul morceau, pas du tout représentatif de ce qu’ils font, parce que rien ne l’est, on passe de l’acid-jazz au free-jazz en passant par le hip-hop, le funk et le rock.
J’hésite entre deux morceaux. Oh et puis fuck it, prends-les tous les deux.
Un vent venu des fjords
Permettez-moi de terminer par ma petite cerise sur le icing on the cake. Mon péché mignon. Pour eux, je suis prêt à ajouter une soirée supplémentaire dans une semaine à 4 concerts (ce qui fut le cas avec leur concert au Depot in Leuven). Les plus attentifs se souviennent d’ailleurs que je vous en ai déjà parlé en long et en large.
Jaga Jazzist, c’est l’amour. Jaga, c’est le sang, c’est l’air que je respire. C’est mon cœur qui bat devant une scène où s’animent une dizaine de fous furieux venus du froid. C’est une musique énergisante. C’est même plus que ça. C’est grisant et impressionnant à la fois. C’est beau comme un élan qui court sur ses grandes jambes. On pourrait croire que ça a l’air con, mais non. Un élan, ça court vite. C’est costaud. Ça peut renverser des petits SUV sans trop de mal. Et le péché mignon des élans, c’est de manger des pommes pourries, qui finissent par fermenter dans son bide, et eventually fermenting to become de l’alcool. Oui, tu as bien compris, les élans, ils aiment bien se bourrer la gueule. Comme en Russie, ça devient vite un problème l’alcool, là ou il fait froid. Mais là où les Russes ont juste décidé de produire plus de Vodka, les Norvégiens, eux, ils filent des instruments aux bestiaux pour transformer toute cette belle énergie en musique.
Je pense qu’en termes d’analogies et de métaphores, il y avait moyen de trouver plus flatteur, mais je trouve que ça décrit à merveille leur musique incroyable.
Alors tu vas dire que je te balance toujours les mêmes morceaux de Jaga, mais je m’en fous. Ce n’est qu’une invitation à aller découvrir par toi-même la discographie de ce groupe qui est sans doute un de mes préférés (si pas MON préféré)
Bon, on t’a encore menti, George a filé 18 morceaux, et pas 16, et Kante en a ajouté 24.
Si tu veux, tu peux renommer cet article « Les 42 morceaux », ou « Les 16 morceaux qui étaient 42 », « Le Deadbeat Club et les 42 morceaux », « Ali-Baba et les 40 morceaux du Deadbeat Club (+ 2 bonus) ». Fais comme tu veux, tire ton plan, on a déjà assez bossé comme ça.
C’était long, certes, mais on t’avait prévenu.
Mais comme on n’est jamais trop sûrs, tu peux tout réécouter en une seule et unique playlist YouTube totale et complète.
Note de fin : Pour illustrer cet article, notre équipe de cascadeurs a lancé une recherche Google sur le terme « Jazz ». La stupéfaction de nos rédacteurs n’a eu d’égal que la tristesse qu’ils ont ressenti quand ils se sont rendus compte qu’il y avait plus d’images d’une « star » de télé-réalité que de Jazz en tant que tel.
C’est affligeant !
En partenariat avec
JazzMania