Dälek – Absence (2005)

L’avis de George

dälek, c’est Will Brooks, aka MC Dälek né en 75 dans le New Jersey, de parents fraichement arrivés tout droit du Honduras, et Oktopus aux platines, en tout cas jusqu’au début des années 2010. Et sur Absence l’album que j’ai choisi, ils étaient accompagnés aussi par Still, responsable scratches, comme sur From Filthy Tongue of Gods and Griots.

Les étiquettes de dälek, c’est : hip-hop industriel, expérimental, noise, dark ambient, political, conscious, abstract.

Les gouts et les couleurs, ça fonctionne évidemment parfois aux coups de cœur, et heureusement, mais c’est surtout aussi souvent une question de processus. En tout cas chez moi et ce même si je hais ce mot.

Filer du dälek à un gars qui ne connait jusque là que Wu-Tang Clan, ce qui est déjà très bien, c’est comme faire écouter Headcleaner de Neubauten à un gars qui ne connaissait jusque là que Smells Like Teen Spirit. C’est un choc industriel. Y a l’alarme interne Seveso qui se met en branle dans le cerveau (coucou Whitney). Il faut évacuer le site rapidement (tu es restée jusqu’au bout, c’est beau).

Je ne sais pas si j’aurais aimé dälek à sa juste valeur si je n’étais pas passé avant par Cypress Hill et Judgement Night ainsi que par Sunn O))) ou Scorn.

D’ailleurs, dälek n’a pas été un coup de cœur immédiat. Je les ai découvert avec l’album Abandoned Language, successeur de Absence, loué sur un coup de bol à la médiathèque du Passage 44, un album que j’ai tout de suite apprécié, mais que je ne me suis pas mis directement en boucle dès le début.

Pour ça, il aura d’abord fallu que je vois dälek pour la première fois en live. Au Bear Rock festival, festival gratuit sur la grand place d’Andenne en 2008. Et là, c’était fait. J’ai d’abord pris une plaque de 30 tonnes en acier dans la tronche. Avant d’acheter, louer et ou télécharger tout ce que j’ai pu trouver. Et on ne s’est plus jamais lâché depuis.

dälek fut aussi une porte d’entrée vers le hip-hop pour moi parce que jusque là, le hip-hop, pour moi, c’était surtout Cypress Hill, puis un peu de Wu-Tang, de Public Enemy, de NTM et puis ça s’arrêtait plus ou moins là. De la musique à passer en soirée, mais pas à écouter à la maison.

Depuis, je me suis pas mal plongé dedans, dans le hip-hop indus, avec des B L A C K I E et Moodie Black ou El-P, super concert au VK sur Cancer For Cure, puis qui m’a amené tout droit dans les bras de Killer Mike et de Run the Jewels, et qui m’a donnée envie de redécouvrir des vieux Public Enemy, et pour partir ensuite un peu dans tous les sens avec The Roots, B Dolan, Deltron 3030, Ice Cube, Ocean Wisdom, Death Grips, etc. à tel point que le hip-hop est devenu la musique que j’écoute le plus après les doom, sludge et black metal.

dälek a permis de faire le pont entre le hip-hop et la musique industrielle, noise, voire shoegaze.

Imaginez qu’on passe à la centrifugeuse Public Enemy, My Bloody Valentine et Sonic Youth, vous obtenez du dälek, qui cite lui-même ces références à qui veut les entendre.

Absence de dälek, c’est du hip-hop avec des nappes de son assourdissantes tout droit sorties de l’apocalypse  selon Saint Oktopus pour un résultat sale, sombre, abrasif, menaçant, massif, indus et bruyant. C’est bourré de détails, de sons bizarres et terrifiants, ce sont des montées angoissantes suivies d’explosions assourdissantes pour retomber dans un bourdonnement mécanique avant le prochain cycle.

C’est Schwarzeneger avec des baggies et une casquette de baseball du New Jersey de baseball vissée sur la tête qui se fait arracher ses bras mécaniques par un rouleau compresseur dans la version de Spike Lee de Terminator.

Un groupe également très engagé politiquement, ses parents sont du Honduras et ont emménagé dans le New Jersey en 72. Brooks se dit lui-même plus proche de Malcolm X que de Luther King, parce que pas du genre à tendre l’autre joue comme il le dit lui-même, et très engagé sur la défense des minorités, sur les inégalités sociales, sur la lutte des classes, sur les violences policières, etc. mais le tout enrobé dans des textes souvent plutôt abstraits basés sur la poésie des mots que sur des slogans déjà prémâchés et surtout prévomis. Un mélange de conscious et de abstract hip-hop donc, juste pour faire plaisir à Alain.

Cet album que j’ai choisi, Absence, reste le plus dur, le plus brut, le plus culte du groupe. Il commence tranquille, en spoken word sur Distorted Prose et au bout de 30 secondes, le rouleau compresseur se met en branle et il ne te lâche plus, il t’écrase, il te broie, comme sur le final de Eyes to form shadows. Même les deux plages instrumentales Absence et Koner ont beau être plus calmes, elles ne font que charger la barque de l’angoisse.Absence, c’est d’abord un mur de son qu’on se prend dans la tronche, mais il faut savoir que dälek, ce n’est pas que ça. Prenez le titre Ever Somber et vous aurez un aperçu de ce à quoi vous attendre par la suite, parce qu’ils sont capables de composer aussi des titres plus mélodiques comme sur l’album suivant, Abandoned Language ou leur dernier Endangered Philosophies sorti en 2017, déjà.

Et c’est encore plus vrai en concert où le mur de son prend vie et on a l’impression de se retrouver à l’intérieur d’une bagnole qui est en train de se faire réduire en cube dans une casse de voitures.

Au, Bear Rock, festival gratuit sur la grand place d’Andenne, au Sonic City avec Amenra, au VK avec Moodie Black et Bobby, au Magasin4 et surtout au Roadburn sur la même affiche que Amenra, Batushka, Wolves in the Throne Room ou Esben and the Witch, puis enfin à Lille au Pizzle Festival avec Beak et Oiseaux-Tempête.

Parce que dälek est évidemment loin de n’attirer qu’un public de hip-hop. Ils sont aussi à l’aise de partager l’affiche avec un groupe de kraut rock qu’avec des gros bourrains black metalleux.

Collabs avec Kid 606, Faust, un album de dark jazz hip-hop sorti sous le nom de Anguish, et deux disques solo plus hip-hop old school sous le nom de Iconaclass.

La plupart des albums sont sortis chez Ipecac Records de Mike Patton, qui leur a dit que le jour où BMG viendrait les voir avec un million d’euros, il les foutrait lui-même à la porte et les reprendrait quand ils se seraient faits virer.

Secrets d’histoire de leur rencontre :

« C’est le chapitre suivant. Encore une fois, c’est toujours étonnant comment les choses arrivent. Nous nous sommes rencontrés à l’un de nos concerts. Il nous a suivis sur quatre shows et lors du dernier il est venu me dire combien il aimait notre façon de sonner. Nous lui avons rétorqué « pourquoi ne nous emmènerais-tu pas en tournée ? » Et il nous a répondu « Je pars en tournée en Europe dans deux semaines…si vous voulez venir.. » Et au final on a ouvert pour Tomahawk et lors du premier show en Belgique ils nous a demandé de manière assurée ce qu’il devait faire pour sortir notre prochain album. Et ça fait depuis quatre albums que nous sommes avec lui sur Ipecac. Tu sais, c’est vraiment un honneur de sortir des albums sur le même label que celui de The Melvins, Isis… »

Subissez d’abord cet album, Absence, qui date de 2005, mais aussi le suivant, Abandoned Language, sorti en 2007, la compilation de soi-disant faces B : Deadverse Massive, le dernier Endangered Philosophies, sorti en 2017, l’album sans titre composé d’un seul titre de 45 minutes est excellent aussi, et enfin puisqu’il faut faire des choix, l’album de dark jazz hip-hop sorti sous le nom de Anguish. Et là, vous aurez déjà un bon aperçu de la diversité du type.

Et y a encore toute la série d’albums instrus sortis sous le nom de Meditations sur sa maison de disque Deadverse Recordings

https://www.youtube.com/watch?v=x_mB9JCIon4&ab_channel=Yata

Courage. Et si jamais tu en redemandes, voilà de quoi t’occuper encore un peu

L’avis de Alain

De toutes façons, Alain n’a pas aimé.

L’avis de Kante

Play.
Bam.
Un Flow implacable.
Une ligne de basse.
De l’indus.

La claque.

Si t’es pas bien réveillé, tu l’es.
C’est d’une rare puissance.

Alors on pourrait dire « Ouais, de l’indus, j’aime pas ça, ça ressemble à rien, c’est juste du bruit », comme certains pensent que l’art contemporain, c’est de l’art comptant pour rien, suivez mon regard (dans un podcast, c’est très visuel comme truc, il faut que j’évite la prochaine fois), mais non.

Ici, l’indus ajoute une vraie dimension musicale. Ce n’est pas juste une ligne instrumentale, c’est un être, c’est une bête qui te surplombe, menaçante, mais pas agressive. Prête à te sauter à la gorge, mais tant que tu ne fais pas de mouvement brusque, tu devrais t’en sortir à peu près indemne.

Quand je dis que c’est une dimension, c’est vraiment une dimension. Je rêve de voir Dalek dans un haut-fourneau désafecté. Je pense que la musique prendrait toute l’ampleur qu’elle mérite.

J’ai toujours trouvé que certains halls de l’industrie métallurgique ressemblaient à des cathédrales, et je trouve que cette musique y trouverait son sanctuaire. L’Urban-Culture en plus.
C’est pur, c’est massif, c’est efficace, c’est rythmé, c’est travaillé, c’est BEAU.

Cher auditeur, va écouter du Dalek. (Petit truc, si tu veux commencer soft, commence par l’album « Abandonned Language » ou « Endangered Philosophies »)

Haut-fourneau B - Ougrée

Et cet album ?

Putain, je regrette que ce soit pas le mien d’album fétiche (le mot prend tout son sens ici)
Est-ce que je suis gêné de découvrir Dalek seulement maintenant alors que tu en as parlé genre cent-mille fois ? Un peu. Non, beaucoup.

Est-ce que je vais réécouter ?
Eh bien je l’ai écouté ce matin an allant au boulot.
Et en revenant d’ailleurs.
Et peut-être que je l’écouterai en partant.

L’avis de Bobby

Whitney était pas là mais c’est pas le genre de chose qui l’empêche d’avoir un avis

J’avoue. Je démarre avec tout un tas d’a priori négatifs. J’ai pas envie d’un énième album où ça crie. Vraiment, non. George réclame depuis un petit temps que l’on se film en direct lors de la première écoute des albums qu’il suggère. À défaut d’avoir l’image, voici, à l’écrit mes réactions en direct.

Minute 0. Première piste, un bon petit flow, un rythme imposé par la voix, tout comme j’aime bien. Alors oui, en instru, il y a la bande son d’un accident ferroviaire mais je sais pas j’aime quand même bien.

Ça c’était mon avis après les 4 premières minutes.

Minute 15. J’ai envie de crever sous un train. Achevez-moi pitié. Achevez ce train.

Minute 26. Mais ce sont les instruments qui crient.

Minute 41. J’effectue, pour la première fois qu’aussi loin que remonte ma mémoire, une pause. Je n’ai plus écouté de musique durant 2 heures et 26 minutes. 146 minutes. 8760 secondes.

Minute 42. J’AI TROUVÉ !! Le gars responsable du mixage, c’est le même que celui qui faisait le spot contre le piratage qu’il y avait avant d’accéder au menu du DVD au début des années 2000.

Mais siiii rapelle toi !

Minute 43. Il faut que je tienne le coup. Si j’arrête d’écouter, je ne reprendrai jamais.

Minute 45. Une grue est en train de se faire torturer quelque part dans le monde. Pas l’oiseau, l’engin que l’on voit sur les chantiers de construction.

Minute 49. Allais courage, c’est bientôt fini.

Minute 56. GHAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA

Minute 56 et demi. Courage. c’est bientôt fini. Tiens bon Whitney

Minute 58. MAIS. C’est pas fini ?! Argh putain de Spotify et sa lecture automatique.