LIVE : Du jazz électro grindcore masqué @ Elsewhere Brooklyn

Brooklyn. Février 2023. 20h.  Je suis quelque part à Williamsburg et je dois me rendre à Bushwick. Mon téléphone m’est aussi utile qu’un galet au beau milieu du Sahara. Même les modems 56K permettaient une connexion plus rapide à l’époque. T1 Mobile, Base International, Samsung, allez tous CREVER. Je marche un peu, je tombe sur un coffee. Y en a partout maintenant des coffees à New-York. C’est même devenu limite la jungle. Quand ils ne vendent pas du cannabis, ils vendent des pipes à eau. De toutes les formes et de toutes les couleurs.

GOOGLE YOUR OWN DEATH

Mais bref. Je demande mon chemin au sympathique vendeur. Il n’est pas du coin mais il a fait des livraisons à vélo dans le quartier, alors il peut peut-être quand même m’aider. On cite des références du Seigneur des Anneaux, c’est par où le Mordor ? Il m’indique quelques gauches-droites, que je tente de retenir tant bien que mal, et puis ensuite, je vais marcher looooongtemps toujours tout droit.

C’était pas si longtemps que ça en fait, mais le coin était assez incroyable. Pas croisé un piéton, et peut-être un bus et 3 voitures. Dans Johnson Avenue, il n’y a pas un poil d’habitations. Ce ne sont que des usines et des hangars en enfilade. Ambiance industrielle garantie. Je vous ai mis quelques photos à la fin pour tenter de vous mettre un peu dans l’ambiance.

I WANT TO DIE IN A SUBMARINE ACCIDENT

J’arrive à la salle, l’Elsewhere. Les gens font la file autour du pâté de maison. Ils contrôlent les cartes d’identité et les passeports à l’entrée. Pas de papiers, pas d’entrée. Heureusement que j’avais lu l’email qui l’annonçait. Un couloir sombre pour accéder à la salle avec des leds sur les côtés qui font penser à un mélange d’éclairage de l’étoile de la mort et du Fuse.

En entrant, on tombe directement sur la table de merchandising. Y a une file de gueux. Tant pis, je la fais. Y avait des trucs cools. Comme surtout ce t-shirt avec la tête des deux musiciens masqués et les paroles suivantes « I WAND TO DIE IN A SUBMARINE ACCIDENT ». Mais évidemment, lui n’était plus là au moment où les 40 personnes devant moi étaient déjà passées vider leurs économies. Alors j’ai pris un t-shirt assez atroce avec « PAIN » écrit dessus, les deux têtes de clowns sur le haut et la voiture en-dessous. Et une casquette « CALZONE WILL NOT BE TOLERATED ». Même s’il y avait match avec Hawaii.

PIZZA PARTY

Mais donc, ils sont un peu beaucoup passionnément second degré les clowns du soir. Et un brin capitalistes aussi. Parce que je ne sais pas combien ils en avaient, mais le ou les masques à 150$ avaient aussi été vendus. C’était un poil cher je trouvais de toute façon pour un masque.

La salle est assez sympa, plutôt carrée, un bar à l’arrière, un poil en pente pour que l’arrière puisse voir malgré tout quelque chose. Avec une petite cour aménagée sur le côté pour prendre l’air. Le concert est complet de longue date mais j’ai réussi à choper une place via l’application DICE, un peu le pendant de Ticketswap, sauf que c’est mieux parce que quand c’est ton tour, tu reçois un message te disant qu’une place t’est réservée pendant 15 ou 20 minutes. Pas la course au click.

675 fans dans la salle donc (merci Google). Quelques glauques. Dont ce mec avec son affreux masque de clown qui te fixe sur le côté. En penchant un peu la tête pour en rajouter. Un autre déguisé en furet géant, ou un truc du genre, et encore un qui se trimballe avec une bite gonflable sur la tête. Des jeunes, des vieux, un mec en parodie de Eddie Murphy dans un Prince à New York, sauf que lui tu sens directement que ce n’est pas un déguisement. Puis encore des punks avec plus de piercings sur la tête que de boutons d’acné chez un ado peu gâté par la nature.

SCHEDULED DIARRHEA

Première partie un peu molle du genou. DJ Driver. Ca ressemble plus à un happening avec un mec qui met des sons sur son mac. Puis qui lève son verre, boit un coup, et pousse sur un bouton pour changer de titre. Il y a probablement un truc que je n’ai pas compris, mais d’où j’étais, ça ressemblait quand même pas mal à un gros flan.

Petite pause pour tester leur booze locale, la Superhero Sidekicks. Pas mal du tout, même si j’ai préféré la Voodoo Ranger IPA New Belgium qu’ils avaient à côté de l’hôtel. Ils savent aussi y faire en bière les New-Yorkais.

THE EARTH IS FLAT BECAUSE YOU ARE FAT

Arrive enfin le moment tant attendu. De quoi s’agit-il au juste ? D’un duo de mecs anonymes déguisés en clowns qui proposent un mélange de free jazz, de musique électronique et de grindcore, format de 2 minutes en moyenne par titre. Ils ont aussi la particularité de jouer avec leur batterie, leurs synthés et leur saxophone dans des espaces ultra-confinés. Comme dans une Cathy Cabine ou dans une vieille Toyota bleue. En n’oubliant pas de parsemer leurs vidéos de quelques sketchs douteux.

Naturellement, il y a plein de théories sur l’identité des deux zigues et la toile pencherait actuellement pour Louis Cole, étiqueté synthpop et jazz-funk et Sam Gendel, étiqueté expérimental avant-garde jazz, ambient. Les mecs nient évidemment. Et quelque part, on s’en tape un peu finalement.

Le duo s’est fait connaitre sur Youtube. Un premier album en 2010 avec une série de clips loufoques à la clé, dont un dans lequel ils jouent sur le porche d’un couple de vieux ébahi quand ils se mettent à blaster au moment où ils ouvrent la porte. Puis plus rien à partir de 2011. Plus tard des clips mystérieux avec des messages du type « que nous est-il arrivé ». Et 2 ans plus tard « Nous sommes aux toilettes ».

Les fans hardcore de ce duo mystérieux ont d’ailleurs percé le mystère de ces clips en retraitant numériquement les images pour y faire apparaitre l’image des deux clowns. Et arrive enfin en 2018 le clip Hell, enregistré dans une Cathy Cabine, et l’album Toilet, pour lequel tous les clips seront enregistrés dans cette même Cathy Cabine. Deux ans plus tard, ils remettent le couvert avec Van. Dans cette vieille Toyota bleue. Qui servira à enregistrer tous les clips de l’album. Qui est dotée d’airbags en formes de bites par exemple. Mais il faut regarder les clips pour profiter au mieux de l’expérience.

INFINITE REALM OF INCOMPREHENSIVE SUFFERING

En studio, le groupe est capable de passer d’une ambiance au croisement de Naked City et de Napalm Death, à un air qui n’est pas sans rappeler le générique de La Croisière s’amuse. Sans oublier leur coté disque rayé. Capable aussi d’alterner des « paroles » aussi profondes que The Earth is Flat, Because You Are Fat, mais d’enchainer sur une dissertation sur la fin de l’humanité liée au progrès technologique. Tout est absurde, rien ne semble avoir de sens, mais ce serait oublier un peu rapidement l’aspect musical du groupe. Si au premier abord, tout cela ressemble furieusement à une grosse blague potache autour de bites et de caca, leur musique déboite réellement, et même si elle part dans tous les sens, elle semble toujours parfaitement maitrisée par deux mecs qui semblent être des vrais musiciens derrière. Et c’est ce que le concert va confirmer.

Sur scène, au moment de l’introduction, il y a des projections de la Terre vue de l’espace sur un écran géant derrière la scène, une musique faussement futuriste et une petite tonnelle de jardin posée en biais au milieu de la scène. Puis au bout de quelques minutes, tout s’éteint. La porte de l’abri tombe et on voit enfin les deux cinglés toujours déguisés en clowns qui entament le furieux Flat Earth avant d’enchainer sur le tout aussi solide Van. Quelques titres plus tard, c’est l’interlude Infinite Realm of Incomprehensible Suffering et les assistants en profitent pour démembrer la tonnelle afin que ne subsiste que le toit.

Arrivent l’incroyable Computers, puis I Ate a Luna Bar and My Dick Fell Off, Bologna Penis, Google Your Own Death et Farts. Anecdote : au cours d’un de ces morceaux, je vous laisse deviner lequel, le clown au sax et au synthé a démarré le titre par une note figée par son pénis sur son synthé. Le tout projeté sur l’écran géant. Des poètes.

PLEASE LEAVE – THANK YOU FOR YOUR MONEY

Sur l’écran géant suivra notamment un QR-Code permettant de faire un virement direct sur le compte du groupe, avant de diffuser des images de zooms chirurgicaux, et une merveilleuse projection de reviews issues de chroniqueurs sur Youtube, qui se demandent les uns après les autres comment un tel groupe peut exister, pourquoi, y compris des enfants grossiers. Jouissif.

Le groupe va encore balancer deux titres de son dernier single, ainsi que End, Toilet et le terrible Hell en rappel avec un pénis gonflable qui se tend fièrement sur la scène aux côtés du groupe pour ce dernier morceau. Un dernier message pour le public au moment de sortir de scène : « Please Leave / Thank You For Your Money ». Probablement un mélange de pragmatisme et de signe de gratitude.

ALL OF MY FARTS COME STRAIGHT FROM HELL – YOU’RE ALREADY DEAD IF YOU NOTICE A SMELL

Comme attendu, un peu de cirque lors de ce concert, mais aussi et surtout une belle petite baffe musicale. C’était court évidemment, le groupe totalisant 3 albums et un single pour un total aux alentours des 50 minutes de musique. Mais à un rythme assez cinglé, avec une batterie qui claquait, des parties au saxophone absolument magiques, des synthés parfaits pour rappeler l’ambiance des meilleurs films d’horreur du XXeme siècle, et des morceaux qui partaient dans tous les sens du free-jazz électro futuriste au grindcore le plus abscons, comme sur leurs albums.

Ce n’était que le cinquième concert de leur existence. Ils avaient fait avant ça trois dates au cours des jours précédents à Los Angeles, et une autre la veille dans la même salle. Après ça, ils ont encore enchainé une date en Islande, une à Paris et deux à Amsterdam. Puis sont probablement rentrés chez eux après ça ranger leurs déguisements. Peu de gens auront donc eu la chance de les voir lors de cette tournée. Et c’est quand même bien cool d’avoir pu y assister.

N’hésitez pas à aller faire un tour et à acheter leur shitty stuff sur leur merveilleux site internet CLOWN CORE (oui, vous avez deviné, c’est leur nom)

Et puis un clip :

Un autre

Et pour terminer, le rappel du concert. « THANK YOU FOR YOUR MONEY »

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