LIVE : JauneOrange + Popkatari Nights @ Reflektor (06/10)

On avait prévu de le sortir, puis les choses se sont emballées, jusqu’à nous faire penser avec effroi à la période de Noël. Et qui dit période de Noël dit qu’il sera bientot trop tard pour publier un article sur un concert qui a eu lieu il y a deux mois et demi. Mais qu’à cela ne tienne, on est des rebelles, nous. Nous n’avons cure des conventions, et de manière plus globale, du temps qui passe (d’où les podcasts de 4 heures). Alors on s’est dit qu’on n’était plus à ça près, surtout que je n’ai pas envie de terminer cette phrase.

C’est parti donc ! Assieds-toi, ferme les yeux, avec un peu de chance, tu te croiras au Reflektor et tu me ramèneras une bière.

La perspective d’une soirée JauneOrange, c’est de l’intensité. Une soirée avec JauneOrange, c’est aussi la certitude de passer une bonne soirée. Une soirée avec JauneOrange, c’est surtout une bonne dose de découverte. Et si la découverte était au rendez-vous avec deux groupes qui m’étaient inconnus, le point d’orgue fut surtout la RE-découverte de Diemen Sniep. Les liégeois démoniaques partageaient ce soir-là la scène avec d’autres groupes liégeois, comme Down to Dust et The K., mais aussi une formation parisienne au nom évocateur de Parlor.

Le Démon ne sommeille pas

Si l’intensité de la soirée devait monter crescendo, il faut savoir qu’elle ne partait pas de zéro. Bien au contraire. Découverts en ouverture du Micro Festival en 2021, la toute jeune formation de Maximiliaan de Hoogd en a fait du chemin.

Même si ma maman m’a toujours appris à ne pas juger, il ne m’en fallait pas moins pour tirer des conclusions certes hâtives, mais néanmoins fondées. Le groupe n’était visiblement pas tout à fait prêt à fouler les planches des grandes scènes.

Un an plus tard, on retrouve donc un projet qui a avancé. Qui a maturé. Qui a pris du corps. Et de l’assurance, de la force, de la puissance. Et si la barre était haute en matière de comparaison, face aux autres groupes présents ce soir, force est de constater que les 4 cavaliers de l’apocalypse ont décidé d’investir la scène pour mettre tout le monde d’accord.

Le nom du groupe évoque le sommeil du démon. Sachez que le démon ne dort pas. Encore moins depuis qu’il a fait l’acquisition du dernier vinyle du groupe, joyau esthétique, et collector, pour peu que vous vous soyez sensible à sa beauté presque baroque.

Entre la front-cover tirée de l’œuvre du Grand-Maître Pieter Paul Rubens, les photographies de Anouchka Vingerhoedt illustrant l’arrière de l’objet et la pochette intérieure et faisant la part belle à l’iconographie sombre de l’architecture sacrée – sans oublier le surprenant mélange de couleurs de la galette elle-même, faite de bleu turquoise et de noir – et vous vous retrouvez avec un objet qui exprime toute la force et toute la classe que l’on peut retrouver dans les compositions du groupe.

Du groupe timide et fragile découvert sur les planches du Micro en 2021 à l’assurance et la consistance de laquelle nous avons tous été témoins, il en a parcouru, de la route, ce jeune groupe prometteur. De ses compositions fortes, Diemen Sniep tire une ambiance et une atmosphère pesantes, lourdes, et inquiétantes. Le visage du démon est partout : dans les rifs lancinants, dans la puissance des percussions autant que dans leur sensibilité, dans la voix de Chad Levitt, dans la texture des effets, dans la présence subtile de la batterie.

Mais on n’était pas là pour écouter un album studio. Et là encore, le groupe a aussi pris de l’assurance sur scène, et leur prestation live n’avait plus rien à voir avec celle du groupe timide et impressionné vu au Microfestival en 2021. Malgré la difficulté d’ouvrir la scène face à une salle loin d’être comble, la qualité musicale et scénique offerte a eu vite fait d’ameuter les derniers résistants campant au bar pour garnir le parterre.

Du post-rock au post-métal

Le milieu de la soirée devait prendre une autre tournure. Alors que le post-rock et l’expérimental de Diemen Sniep nous avait emmené dans des contrées vallonnées et contrastées, les (autres) liégeois de Down to Dust ont proposé une prestation post-métal toute en massivité et en force. Carré du début à la fin, c’est sans porte d’entrée qu’ils m’ont laissé pour entrer dans leur univers. Ou peut-être justement est-elle là, la clé de lecture qui me manque. Ce côté mystérieux et inaccessible explique en tous cas en partie cette posture.

Sans plus m’étendre sur le sujet, je dirai que ce je suis resté sur le quai pour regarder passer le train. Un gros train. Un train qui faisait du bruit et qui faisait trembler mes pieds sous son poids. Rien ne semblait pouvoir l’arrêter, si ce ne sont les 50 minutes allouées à chaque groupe sur scène.

Du post-métal au post-hardcore

Après le rouleau-compresseur de Down to Dust, place maintenant au bulldozer de Parlor. Là où le rouleau avait pas mal nivelé le relief, le bulldozer a pris soin de refaire des trous et des tas là où il en manquait. Un peu comme un supplément d’âme et de vie, un peu de rugosité au froid glacial du métal. Le hardcore apporte un côté plus spectaculaire, beaucoup moins statique. Et c’est peu dire au vu de l’énergie mise par la voix du groupe, se lâchant véritablement sur les gutturades et autres gravosités vocales que sur une présence scénique quasi hyperactive. L’expressivité du groupe dans son ensemble en faisait d’ailleurs presque oublier la dureté de leur musique.

C’est au bout de 50 minutes d’une prestation qui ne s’essouffle jamais, d’une énergie folle du début à la fin, que les parisiens terminaient leur prestation pour laisser place  à la tête d’affiche de la soirée, les (autres autres) liégeois de The K.

Du post-HxC au rock-noise-à-tendance-punk

À tendance, uniquement. Parce que si l’énergie du noise est aussi faite pour tout tabasser sur son passage, il faut savoir qu’on a du goût chez The K. Ne fut-ce que dans leurs choix vestimentaires. Un slip, c’est toujours classe, c’est toujours distingué. Surtout si c’est bien porté.

Et puis ce n’est pas un slip qu’on est venus voir, si ? Si ? Non, hein ! Bon, peut-être certain.e.s, mais moi, ce que je kiffe, c’est surtout leur musique. Alors que les mystères de la vie m’ont éloigné des gros amplis et des guitares pointues, il suffira de quelques rencontres et de quelques contrats photo pour me remettre avec beaucoup de plaisir sur le chemin des concerts énervés. Et puis dans ces rencontres, il y a celles faites avec l’équipe du Microfestival et de JauneOrange. Et donc de Sébastien Von Landau. Et si on connaît un peu le garçon, on sait très bien que sa musique n’est pas le fruit du hasard ni de la paresse. Sa musique est intelligente sans être trop réfléchie, elle est construite sans être élaborée. Elle est précise tout en étant spontanée. La preuve en a été faite à chaque fois que j’ai pu les voir en live. Le partage avec le public y est toujours total. Ce n’est pas à un concert de The K. que tu vas. C’est à un moment ou le groupe va s’abandonner à toi, pour peu que tu t’abandonnes à lui. Et ce fut le cas. Le public, en délire, a laissé le groupe se faire contaminer par sa fougue et sa folie. C’est d’ailleurs le public lui-même qui termina le concert, Sébastien laissant sa guitare passer de mains en mains dans une cacophonie la plus totale, pendant que la basse, laissée seule sur scène s’éternisait sur un larsen assourdissant.

Ne ratez pas les prochaines JO Nights

Le bilan de cette soirée, malgré la prestation en demi-teinte de Down to Dust, est clairement plus que positif. Il est même réjouissant. Et le public, trop peu nombreux pour une soirée de ce calibre, peut en témoigner, les absents avaient tort.

Pour info, la prochaine Label Night de JauneOrange aura lieu le 13 janvier prochain au KulturA...