Swans – Glowing Man (Lives entre 2010 et 2017)

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Le long, très long, avis de George

Qui ?

Contrairement à ce que vous auriez pu penser, mon groupe favori du monde et de l’univers n’a, de près ou de loin, aucun lien avec le système digestif, pas plus qu’avec le cannibalisme ou la nécrophilie, n’est pas non plus originaire d’un patelin perdu du fin fond de la Scandinavie ou d’une grotte estonienne, ne balance pas de la double pédale en mode AK-47 et son chanteur ne s’exprime pas en borborygmes incompréhensibles du commun des mortels.

Le groupe le plus fascinant du monde et de l’univers nous vient tout droit de New York, existe depuis plus de 40 ans, porte le nom d’un oiseau de la famille des Anatidae (©Wikipedia), propose (désormais) un mélange de post-rock expérimental, de noise et de drone et son chanteur approche désormais des 70 balais.

Jenny Beth, la chanteuse des Savages déclarait très justement à propos d’eux :  l’essence de la musique est regroupée en un seul groupe.

Et ce groupe dont je vais vous parler, c’est SWANS.

La notion de groupe est d’ailleurs assez relative. Pour commencer, il faut bien comprendre que Swans, c’est le bébé du seul Michael Gira. En effet, le groupe a vu passer près de 30 membres différents depuis le début des années 80, dont plusieurs d’entre eux qui ont fait des allers-retours. Pour illustrer le propos, je vous reproduis d’ailleurs ci-après l’historique Wikipedia des membres.

Les plus Sherlock d’entre vous s’en sont probablement aperçus par eux-mêmes, il y a en effet un  « trou » entre 1998 et 2010, et un autre entre 2018 et 2020, mais j’y reviendrai plus tard.

Plus d’une trentaine de membres, et encore, ça c’est sans compter tous les invités au fil du temps. Comme par exemple Anna Von Hausswolff sur le dernier album en date, Leaving Meaning. Ou Devendra Banhart sur My Father Will Guide Me Up A Rope To The Sky. Voire même Thurston Moore qui a pas mal trainé avec le groupe à ses débuts (mais qui n’a participé à aucun enregistrement à ma connaissance).

Mais Swans, c’est et ça a toujours été Michael Gira. Et Michael Gira a toujours été une personnalité extrême et intransigeante, qui n’a jamais eu peur d’envoyer sur les rails du tram tout qui ne collait pas à sa vision, elle-aussi extrême et intransigeante de ce que doit être la musique. Qu’il s’agisse de membres de son groupe, d’autres musiciens, de journalistes, de fans un peu lourdingues en concert, ainsi que de responsables de maisons de disques, avec qui il va entretenir des rapports apparemment houleux, Gira a multiplié au fil du temps, les coups de gueules et les accès de colère. Il s’est aussi attiré pas mal d’animosité, tout comme il s’est fermé lui-même de nombreuses portes dans l’industrie musicale. A tel point qu’en 1990, il décidera de créer son propre label, Young God Records en 1990 pour ne plus devoir dépendre de personne.

Pour la faire très courte (haha !), Gira connait une adolescence ultra chaotique qui démarre dans un New York passablement déglingué. Mère alcoolique, père en Europe, il teste toutes les drogues possibles, a un penchant pour l’alcool qui perdurera très longtemps dans sa vie, fait de la prison pour deal, passe par un pensionnat suisse pour calmer ses ardeurs, fugue de là, passe par la case prison à Amsterdam, voyage en stop avec des hippies jusqu’en Israël, avec, à nouveau, un passage par la case prison à Jérusalem pour deal de hasch, puis retour aux USA dans une école d’art, où il est fasciné par Robert Crumb, et dessine et peint tout ce qui passe par la tête de son cerveau détraqué. Il est fan de la scène punk mais aussi de Howlin Wolf, tout comme il cite aussi certaines de ses expériences live marquantes comme d’avoir vu sous LSD Pink Floyd, période Ummagumma.

En 79 (j’avais donc environ 2 ans), il fonde Circus Mort, un mauvais groupe de post-punk avec lequel il sortira un E.P. avant de dissoudre le groupe et de décider de fonder les Swans en 1982 avec notamment le batteur de son précédent groupe.

Passage obligé, je vais tenter de présenter brièvement le parcours des Swans depuis leurs débuts en étant aussi succinct que possible (si si).

En schématisant donc très très très fort, on pourra distinguer 4 époques :

La période 82-86

1983

Avec 4 albums brutaux, abrasifs, lourds, bruyants, industriels et malades, à l’image du New York et de l’East Village de l’époque, qu’il décrit comme une poubelle crasseuse à ciel ouvert, bondée de junkies shootés à l’héro, et où braquages et violence généralisée sont monnaie courante.

Les premiers albums suintent cette ambiance malsaine de l’époque, dont le premier Filth, avec ses belles dents sur la cover, qui deviendra plus ou moins le symbole du groupe par la suite.

Pour la petite histoire, à cette époque, les Swans partent faire une mini tournée en van aux USA avec Sonic Youth. Thurston Moore explique que Sonic Youth jouait en premier parce jouer après les Swans n’était pas une bonne idée. Sonic Youth avait beau jouer de la musique extrême, celle des Swans était bien trop féroce. Par là, il fallait comprendre j’imagine que la moitié des gens dans les salles avait déjà quitté les lieux avant la fin des concerts des Swans…

A l’époque, la presse spécialisée fait ses choux gras des prestations scéniques malades au premier sens du terme du groupe, où le curseur du volume est toujours poussé à fond, la légende raconte que des spectateurs quittaient la salle avec des nausées voire en se gerbant dessus, tant l’expérience pouvait se révéler intense.

Le groupe sortira encore Cop, Greed et Holy Money, tous extrêmes également avant d’entamer progressivement une transformation.

La période 87-97

Jarboe devient membre à part entière du groupe pour les 7 albums qui vont suivre. Pour tenter de faire court, à nouveau, Jarboe devient rapidement une groupie absolue du groupe lorsqu’elle les découvre à la radio. Chanteuse et musicienne de formation, plutôt classique et même gospel, elle envoie une lettre au groupe pour proposer ses services, décrivant ses compétences et ses aspirations. Au fil du temps (et probablement du harcèlement), elle se voit proposer un rôle de bobette en tournée, avant d’assurer les backing vocals sur certains titres et sur scène, puis de devenir membre à part entière du groupe, ainsi que la compagne de Michael Gira.

Z étaient-y pas mignons tout plein ?

Le groupe va continuer dans la voie qu’il a tracée, mais Jarboe va incontestablement apporter sa touche personnelle et métamorphoser le groupe, avec notamment plus de mélodies dans les compositions, et amener Gira à utiliser sa voix différemment. Il y aurait lieu de faire de nombreuses distinctions au sein de cette époque, tant Children of God est différent de White Light From the Mouth of Infinity lui-même différent de The Great Annihilator et lui-même radicalement différent du dernier album de cette époque, le majestueux, épique, presque Morriconien Soundtracks For The Blind. Mais j’ai promis de ne pas m’étendre de trop (pour les plus curieux, allez tout de même écouter le titre The Sound). Et puis ce sera aussi l’occasion de revenir une prochaine fois dans le Deadbeat Club avec un album de cette période… Sans compter tous les lives sortis également, dont l’incroyable Swans Are Dead sorti en 1998.

Première dissolution

Après la tournée Soundtracks for the Blind, frustré par le manque de succès du groupe, malgré la qualité de ses productions, Gira décide de dissoudre les Swans. Au même moment, Gira et Jarboe se séparent. L’œuf et la poule. Jarboe va poursuivre sa carrière en solo.

En 98, Gira va quant à lui fonder Angels of Light avec entre autres un ancien guitariste et un ancien batteur des Swans. Angels of Light sortiront 6 albums de folk entre 1999 et 2007, folk expérimentale, mais folk.

Période 2009-2017

Fin des années 2000, Gira va mettre fin à son projet Angels of Light pour revenir aux Swans, période dont j’ai choisi de parler aujourd’hui dans le Deadbeat Club.

The Seer (2012)

Entre 2010 et 2016, le groupe va sortir 4 albums véritablement exceptionnels, dont 3 doubles albums, The Seer, To Be Kind et The Glowing Man. Tous étiquetés rock expérimental, post-rock, noise rock, drone, no wave et neofolk. Et contrairement à la période précédente, ces quatre albums, et surtout les trois derniers, sont extrêmement homogènes, sans toutefois jamais s’avérer répétitifs.

Sortiront également pendant cette période 4 lives en CD en quantités ultra-limitées, numérotés et signés par Gira, tous destinés à chaque fois à financer l’album à suivre. En guise de bonus, ces disques contiennent aussi des démos des futurs morceaux des Swans, joués à la guitare acoustique par Gira et sur lesquels il pose sa voix. Et il est assez saisissant de comparer ces versions démos aux versions enregistrées en studio par la suite.

Je vais y revenir un peu plus tard puisque c’est bien de cette période qu’il était question dans le dernier podcast.

Deuxième dissolution

Juste avant la tournée pour promouvoir The Glowing Man, c’est la douche froide. Michael Gira annonce, contre toute attente, que les Swans se sépareront à nouveau après la dernière date. Le dernier concert auquel j’ai pu assister, au Berghain à Berlin (si ça c’était pas la classe pour voir une dernière fois les Swans) fut exceptionnel, mais cette fois, en plus des oreilles, mon petit cœur a saigné à l’idée d’imaginer que ce serait peut-être le dernier.

Période 2019 – ?

Les Swans sont morts. Vivent les Swans !

Heureusement, la dernière pause des Swans aura été de courte durée, puisque les Swans reviennent avec l’excellent album leaving meaning. Dès le mois d’octobre 2019, sur lequel on retrouve d’anciens membres et une multitude d’autres intervenants. La tournée annoncée en 2020 a malheureusement été annulée. Est-il besoin d’en repréciser les raisons ? Fumier de pangolin.

Le prochain album, a priori intitulé The Beggar, est annoncé pour juin 2023. Je trépigne bien évidemment. Tout comme de la tournée qui devrait suivre.

Swans… enfin au Deadbeat Club !

J’en parle depuis longtemps à mes camarades du Deadbeat Club, mais cette fois, ça y est, on a enfin tous pu/dû écouter les Swans et on va pouvoir en parler tous ensemble. Et ça tombe finalement pas mal, parce qu’à force de leur avoir vendu ce groupe comme le meilleur groupe du monde et de l’univers, et connaissant mon attachement pour des musiques, disons un peu hors-normes (je pense d’ailleurs que certains ne se sont pas encore remis de Shit and Shine), j’ai comme l’impression que j’ai presque pu leur faire un peu peur avant même qu’ils n’aient entendu le moindre titre du groupe.

Cela dit, avis aux inconditionnels des sempiternels couplet-refrain-couplet-refrain : vous pouvez passer votre chemin… et même topo pour les amateurs de titres de 3 minutes radio-diffusables, vous pouvez vaquer à vos occupations. Et pour illustrer le propos, Deliquescence, le dernier live en date des Swans est composé de sept titres pour une durée totale de 2h35. The Knot, le premier morceau de cet album live dure à lui seul plus de 45 minutes.

La vidéo ne peut pas être intégrée, alors tire sur la bobinette et la chevillette cherra

Pour préparer cet épisode, j’ai demandé à mes petits camarades de visionner en priorité cette vidéo de The Glowing Man, qui constitue un montage de plusieurs concerts. Et qui reste finalement jusqu’à présent le dernier titre auquel j’ai assisté lors de leur dernier avant-dernier concert en Europe en 2017.

Accessoirement, et seulement si affinités éventuelles, d’écouter le premier live sorti à cette période, sobrement intitulé We Rose From Your Bed With The Sun In Our Head, qui contient des lives de l’album My Father Will Guide me Up A Rope in The Sky, quelques anciens titres, ainsi que des démos de l’album qui suivra, à savoir The Seer. J’ai choisi cet album live parce qu’il était parfait pour découvrir la version audio de la furie que fut leur premier live en Belgique après leur reformation à l’AB en 2010.

Et toujours accessoirement, et toujours uniquement si affinités, je leur avais mis à disposition le DVD du documentaire intitulé Where Does A Body End sorti en 2019, qui retrace le parcours du groupe depuis ses débuts avec de nombreux intervenants de marques, comme Thurston Moore ou Blixa Bargeld pour ne citer qu’eux. Documentaire que je recommande vivement par ailleurs pour tout qui éprouve un intérêt quelconque pour leur musique et leur démarche. Documentaire également disponible à la location en streaming ici https://www.wheredoesabodyend.com/.

Je dois bien l’avouer, avant leur reformation, j’étais moi-même passé à côté des Swans, au propre comme au figuré. J’ai le souvenir d’être revenu un jour de la médiathèque avec 4 ou 5 disques parmi lesquels se trouvaient The Great Annihilator vers 95-96, mais sans y avoir prêté une grande attention, probablement trop mou comparé aux Sepultura, Fear Factory, Cannibal Corpse et autres Morbid Angel dont je me nourrissais dès le petit déjeuner à l’époque. J’ai même découvert récemment qu’ils avaient joué au Pukkelpop en 1995 auquel j’avais participé, et ils n’avaient eu droit qu’à mon plus grand déni, bien plus intéressé à l’époque par les Radiohead, Smashing Pumpkins ou Soundgarden qui avaient le privilège de passer en boucle sur MTV.

Puis lors de leur reformation fin des années 2000, sentant poindre une excitation aussi bien chez certains potes avec lesquels je partage pas mal de choses en musique que dans la presse spécialisée, il m’a paru bon de retenter l’expérience. Alors quand ce My Father Will Guide Me Up a Rope to the Sky est sorti en septembre 2010, je me suis jeté dessus, et j’ai poussé sur play, repeat, encore et encore, tant cet album était hypnotique et fascinant. No Words No Thoughts, Jim, You Fuckin People Make me Sick, Eden prison, tout était parfait. Intense, exigeant, hypnotique, majestueux, je ne tarissais pas d’éloges au sujet de ce disque.

Et donc, quand ils ont annoncé leur passage en novembre 2010 à l’Ancienne Belgique, j’ai évidemment sauté sur l’occasion pour enfin pouvoir découvrir de quoi il retournait sur scène. Et en quoi ces papys du rock bruyant pourraient bien rivaliser avec des Earth, Sunn O))), Boris ou Wolf Eyes.

Et ce fut probablement la plus grosse claque que j’ai prise en concert. Bien au-delà de tout ce à quoi j’avais déjà pu assister. Tool et Nine Inch Nails inclus.

Pour commencer, il faut savoir que les Swans jouent systématiquement à un volume sonore démesuré, voire dangereux pour l’audition. Ils ont longtemps trainé la réputation de groupe qui donne des nausées aux spectateurs tant l’expérience peut constituer un choc. Par exemple, lors de leur passage au Botanique, la salle a affiché un message qu’il y avait eu de grosses discussions quant au volume sonore, et que le Botanique avait finalement dû céder aux exigences du groupe (de Gira), sans quoi, le concert aurait été tout bonnement annulé. Je vous parlais d’intransigeance. Les compromis, c’est bon pour les faibles. Et si ça va trop fort, c’est que t’es trop vieux.

L’expérience d’un concert des Swans est physique, écrasante, on peut se sentir désorienté. Les concerts alternent des moments ultra-calmes avec des tempêtes de sons répétitifs, abrasifs et hypnotiques. Le vu-mètre reste constamment bloqué dans le rouge vif. Pour peu qu’il n’implose pas. Les limites des musiciens, du public, sont sans cesse repoussées. Pour peu qu’il y en ait. Transcendant me parait être un qualificatif parfaitement approprié pour qualifier une prestation live du groupe. Allez jeter une oreille au titre No Words No Thoughts, ses 23 minutes folles en live, et vous comprendrez ce qu’est réellement une « intro » des Swans en concert.

Le son craque un peu par moments, mais cela illustre assez bien la sensation des tympans qui saignent

A tel point qu’il n’y a pas 36 options pour les spectateurs des concerts des Swans. Il y a ceux qui rentrent en extase ou en transe devant leurs prestations scéniques, et ceux qui restent calfeutrés dans le fond de la salle ou contre les parois en attendant que ça passe, voire qui fuient vers le bar ou vers la station de métro la plus proche. Ceux qu’on a perdu en cours de chemin. C’est dommage, mais c’est compréhensible. Cette musique et ce type d’expérience ne sont pas faits pour tout le monde. Pourtant, quand on voit l’intensité que mettent les musiciens, quand on voit la présence de Gira sur scène, à la fois chaman et chef d’orchestre, poussant ses musiciens dans leurs derniers retranchements, on a l’impression de participer à un vrai rituel, on sent à la fois toute l’intransigeance du groupe, la passion, la volonté de communier avec le public. C’est sombre, c’est brutal, c’est beau, c’est jouissif. Et si la structure générale des morceaux reste semblable en live à leurs versions studios, les versions lives sont complètement transformées, triturées et étirées sur scène, jusqu’à parfois passer de moins de 10 minutes pour la version studio à plus de 20 minutes sur scène.

Pourquoi avoir choisi cette vidéo comme point de départ ?

Parce que, à l’exception du volume démesuré que votre chaine de salon serait bien incapable de restituer même si vous en aviez eu envie, on y retrouve tous les autres ingrédients que je viens de passer en revue qui font que les Swans sont les Swans.

Depuis 2010, ils sont tout simplement devenu mon groupe favori, mon groupe référence, le meilleur groupe du monde et de l’univers.

Je décompte désormais les jours qui nous séparent de la sortie de The Beggar et quelle que soit la prochaine salle dans laquelle j’aurai enfin l’occasion de les revoir pour la septième fois, je tâcherai d’obtenir le ticket n°1 des préventes. Parce que les Swans constituent bel et bien le groupe le plus intense et le plus fascinant du monde et de de l’univers. Et à l’image de cette chère Annie Wilkes, je suis désormais leur plus grand fan…

George

P.S. : L’avantage de découvrir un groupe qui a plus de quarante ans d’existence, avec un chanteur particulièrement prolifique (prolifique en projets musicaux évidemment, mais il est également auteur de nouvelles et a réalisé de nombreuses covers d’albums, dont notamment celles de tous les lives des Swans sortis depuis 2010), c’est qu’on peut découvrir encore et encore de nouvelles choses au travers de discussions inattendues, comme ce fut récemment le cas avec son projet Gantse Mishpuchah Music in Three Parts, aux côtés de David Coulter, Charlemagne Palestine et Jean-Marie Mathoul (originaire de Huy !!!), qui m’a délicatement été soufflé à l’oreille par un autre passionné de musique, à savoir Yves Tassin, Rédac’-Chef de JazzMania, lors d’une discussion à l’occasion des excellents concerts de Solah et de Extra Life qui ont eu lieu en ce début d’année 2023 à l’An Vert.

Swans & Swans-related : Discographie sélective (en vrai, il faut TOUT écouter)

  • Swans – Filth (1983)
  • Swans – Children of God (1987)
  • Skin – Blood, Women, Roses (1987)
  • Cop Shoot Cop – Consumer Revolt (1990)
  • Swans – White Light From The Mouth of infinity (1991)
  • Swans – The Great Annihilator (1995)
  • Jarboe – Sacrificial Cake (1995)
  • Michael Gira – Drainland (1995)
  • Swans – Soundtracks For The Blind (1996)
  • Swans – Swans Are Dead (1998)
  • The Body Lovers – Number One Three (1998)
  • Angels of Light – How I Loved You (2001)
  • Neurosis & Jarboe – S/T (2003)
  • Akron/Family & Angels of Light – S/T (2003)
  • Jarboe – Mahakali (2008)
  • Swans – My Father Will Guide Me Up A Rope To The Sky (2010)
  • Swans – The Seer (2012)
  • Swans – To Be Kind (2014)
  • Swans – The Glowing Man (2016)
  • Swans – Deliquescence (2017)
  • Swans – leaving meaning. (2019)
  • Human Impact – S/T (2020)

Et enfin : une playlist Spotify de titres studios, uniquement, des Swans, uniquement, pour les curieux, uniquement.

L’avis de Kante

Déjà, alors que les 1eres notes ont à peine retenti, on sent déjà que ces personnes sont là pour faire la même chose. Elles sont unies, elles ont toutes pour objectif le même but. Un seul et unique but.
VIVRE la musique, et OFFRIR un moment de PARTAGE unique et singulier.
Et tout le monde est là pour ça. Les musiciens sont prêts à se livrer corps et âme, le public est prêt à recevoir cette offrande avec toute l’humilité qui s’impose.

Laissons la performance scénique de côté un instant, je vous prie… nous aurons, je pense largement l’occasion d’y revenir dans les minutes qui viennent.

Musicalement, ou plutôt dans le rayon des styles dans le supermarché de la musique, c’est complexe. Doublement.

Complexe étant ici l’antonyme de rudimentaire, de simpliste, de élémentaire.
Le niveau musical est très très élevé. Je le qualifierais même de dingue. C’est élaboré, c’est senti, c’est ressenti, c’est ambitieux, c’est riche, c’est très très riche. Non, Whitney, rien à voir avec une sauce en sauce. La richesse n’a rien à voir avec la teneur en graisse et en sucre dans une recette, mais bien ce qu’elle va pouvoir apporter. Quel mets fumant va-t-elle déposer sur la table. Arrêtons là les analogies et allusions gastronomiques, je ne voudrais pas risquer l’indigestion après les moults repas de fêtes que nous venons à peine d’ingurgiter, non sans peine.
La richesse est immatérielle. Je dirais même que la richesse matérielle n’est que pauvreté de l’âme. Bon, après, ce n’est pas la richesse de mon âme qui va me permettre de remplacer mon lave-vaisselle, mais une fois de plus, je pense que vous ne saisissez pas tout l’enjeu de cette discussion.
On parle de la vraie richesse, bordel. Celle qui fait que ce monde est plus beau. Et si elle semble se cacher bien profond, sachez que c’est justement parce que la vraie richesse ne se trouve pas sous le sabot d’un cheval. Même s’ils sont 4 et surmontés des 4 Cavaliers de l’Enfer. Faut creuser. Faut se donner du mal.
La richesse est dans la diversité. La richesse est dans la force. La richesse est dans le partage. La richesse est dans le fond de ton coeur, mon petit chat.

Mais complexe pouvant revêtir la signification de compliqué, difficile, dure.
Alors oui, je comprends, ça peut paraitre frontal, brutal, inaccessible, hermétique, infranchissable (j’essaye de faire preuve d’empathie, et de n’exclure personne de cette discussion). Laisse-toi aller. Laisse-toi faire. Laisse-toi pénétrer par la musique.

T’en veux du cheminement ?
Va à Saint-Jacques, Jean-Jacques !

Dans toute démarche, qu’elle soit artistique ou non, il y a un cheminement. Il y a un début, il y a une fin. Et entre les deux, il y a un cheminement. Et le cheminement conditionne l’accès, et l’accès conditionne la perception. Tout le secret réside là, dans cette démarche.
Par exemple, quand on construit un monastère au sommet d’une montagne, c’est pour quoi à votre avis ? Ce n’est pas pour la beauté du paysage. C’est pour que vous ayez pleinement le temps de préparer votre esprit. De prendre la pleine mesure de l’élévation spirituelle par le biais d’une élévation du corps. Physiquement. Pour de vrai.

Ici, c’est un peu pareil… tu ne pourras jamais parvenir au sommet de la montagne en un instant. Et si, quand bien-même, tu y parvenais, ton âme ne serait jamais prête pour le grand voyage.
Il faut donc prendre le temps. Ou plutôt, donner le temps.

Sur une note plus personnelle, au vu des mises en garde que tu as déjà pu nous prodiguer, je m’attendais à quelque chose de totalement inaudible. D’infranchissable. Mais en fait, c’est très post-rock comme truc. Hyper progressif, On n’est ni dans une salle de torture, ni dans quelque chose d’ésotérique ou mystique. En termes d’accessibilité, je trouve que c’est plus compliqué d’obtenir un bac d’Orval à l’Abbaye que de se poser pour écouter les Swans.

Je reconnais, je n’ai pas suivi le chemin que tu nous avais tracé dans cette forêt dense et sombre, George. Non. J’ai pris des chemins de traverse. J’ai plongé dans les fourrés. J’ai rampé sous des troncs couchés. J’ai sauté par dessus des petits cours d’eau, et quand ils étaient trop larges ou trop tumultueux, j’ai carrément plongé tête la première, bravant le courant et les eaux troubles. Je déteste le camping, mais je dois dire que pour le coup, j’ai adoré devoir bivouaquer avec les loups.

L’avis de Bobby

Je vois l’experience mystique même si le fait de nous imposer un morceau de 28 minutes direct n’est pas le truc le plus diplomate du monde, ça pousse à la procrastination.

Ah mais ce n’est que ça les swans ??!! Calme toi George, dans le sens tu nous avais fait peur, on s’atendait à de l’extrême, du brutal, du sanglant, de l’intense ! Bon c’est un peut tout ça, mais pas que.

Beaucoup de bruit de ton côté, pour plus de peur que de mal de notre côté !

L’avis de Alain

!!! ALERTE !!! Moment hétéronormé en approche.
(Moment assumé, enfin, autant que possible, merci de ne pas me faire dire ce que je n’ai pas dit ou écrit dans ce qui va suivre).

Pour moi, un album studio, c’est comme une femme qui se fait la plus belle possible pour une soirée ou un dîner, afin de plaire, séduire et plus si affinité.  Elle veut être au top, c’est une question d’image.  Alors que le concert, le live, c’est plutôt une question de performance.  C’est quand on doit assumer « nue » toute cette beauté affichée.  C’est quelque part un moment de « passage à l’acte ».  C’est le moment où la relation va prendre tout son sens.

Les lives, c’est comme dans la vie de tous les jours, on n’a pas forcément envie de voir tout le monde à poil.  Ou, à tout le moins, on souhaite quand même avoir fait un petit peu connaissance habillés d’abord.  

C’est la raison pour laquelle, avant de me plonger dans le live des Swans proposé par George, j’ai voulu d’abord écouter attentivement l’album studio.

J’ai bien fait je pense, car j’ai été très étonné de la différence entre l’album et le live dans toutes les écoutes que j’ai effectuées.  C’est véritablement déroutant, il y a des moments où on a l’impression que ce ne sont pas les mêmes morceaux.

J’ai découvert les Swans avec beaucoup de plaisir.  Cela fait partie des groupes que j’aurais aimé connaître plus tôt … mais c’est comme ça … je suis passé à côté malheureusement.  Ayant un peu creusé la discographie, j’ai particulièrement apprécié la période avec la chanteuse Jarboe que j’ai trouvée plus mélodique.  Il est évident que je prendre le temps de mieux découvrir la discographie de ce groupe qui, soit dit en passant, possède une liste incroyablement longue d’anciens membres.  A une époque, ça a dû être la C4 Academy ou un truc du genre.

Par rapport à la video live proprement dite proposée par George, j’ai eu plus de difficultés.  Trop angoissant, stressant et répétitif pour moi.  Même la batterie m’a semblé incompréhensible.  ET PUIS CE GUITARISTE QUI MACHE SON CHEWING-GUM PENDANT 20 MINUTES MAIS QUEL MANQUE DE RESPECT DU PUBLIC !!!!

La morale dans cette histoire c’est qu’il ne faut jamais coucher le premier soir.

L’avis de Whitney

Cela fait un petit temps maintenant (trop long sans doute) que j’essaie de faire comprendre, sans succès, ce que je ressens lorsque j’écoute ce genre de musique.
George ne comprend pas que je ne comprenne pas.
Quentin voudrait que je vous raconte une histoire qui, grâce à une série de mots savamment bien sélectionnés vous permettrait de comprendre, par la magie de la métaphore, ce que ce genre de musique m’inspire.

J’y ai bien réfléchi. Depuis quand suis-je une littéraire ?
Depuis quand suis-je capable de raconter des histoires ?

Je vais revenir aux bases. Je m’en remets une fois de plus à la science.

Petite leçon de psychologie.

La réaction de lutte ou de fuite “Fight or flight response” est une réaction physiologique automatique à un événement perçu comme stressant ou effrayant. La perception d’une menace active le système nerveux sympathique et déclenche une réaction de stress aiguë qui prépare le corps à se battre ou à fuir. Ces réponses sont des adaptations évolutives visant à augmenter les chances de survie dans des situations menaçantes.

Ajoutons à cela une leçon de recherche bibliographique

En 1982, Jeffrey A Gray évoquera pour la première fois dans son ouvrage titré The neuropsychology of anxiety : An enquiry into the functions of the septo-hippocampal system, Oxford University Press, élément supplémentaire à ce concept de lutte ou de fuite.

Cet élément supplémentaire ? Le “gel”, on ne parle pas de température corporelle, on parle de geler, de “faire le mort”. Chaque fois que le système nerveux autonome détermine qu’une menace est trop écrasante pour être gérée, il ferme le corps, abaissant le rythme cardiaque, la pression sanguine et la température corporelle. Cette réponse au stress donne l’impression d’être bloqué sur place. Les signes de la réaction de gel sont les suivants : Un sentiment d’effroi, peau pâle, sensation de raideur, de lourdeur, de froid et d’engourdissement, coeur bruyant et battant la chamade, diminution du rythme cardiaque. En résumé, l’objectif de la réaction de combat, de fuite ou de gel est de diminuer, de mettre fin ou d’éviter le danger et de revenir à un état calme et détendu. Dans ce contexte, une seule solution est donc possible une fois le stress surmonté, appuyer cette petite icône en forme de carré qui me permet, pour des raisons évidentes de survie, d’arrêter l’écoute de cette musique.

Et ça se passe par ici pour écouter le chapitre sur les Swans